Ma peinture s'élabore comme une interrogation sur l'être. La toile peinte résulte du désir de trouver la forme où s'équilibre une potentialité, une intention, vague au départ. Peindre, c'est me rendre attentif à ce qui advient, sous l'impulsion d'un désir initial, dans le travail de la matière picturale.
La toile réalise – vise à réaliser – une harmonie qui se présente avec la même évidence qu'un étant doté d'autonomie, c'est-à-dire de singularité. La toile peinte tend à l'achèvement d'un être singulier et peindre, c'est me mettre à la disposition de cette singularité, à son écoute et à son service.
Cette écoute s'accomplit par le travail du désir dans la matière de la couleur, des liants, des pigments, des colles. La couleur, les éléments qui font la peinture sont sa chair et cette chair est, à l'image de l'humain, une béance, une ouverture sur un réel qui la traverse, toujours annoncé, chaque fois manqué.
Ce statut d'ouverture fait de la peinture une bouche symbolique, qui parle autant qu'elle tait – pour autant qu'elle tait. Dans le silence d'une telle parole se rumine le devenir de l'être comme expression du désir. Si la toile peinte parvient à l'expression, par la vertu d'une rencontre chair à chair, alors elle offre à la manducation – qui est, à travers l'œil, mais aussi à travers l'être entier, une écoute par la bouche – la saveur de l'être, devenu et encore à être.
Ma peinture voudrait restituer le goût de l'être.